Les échanges qui se sont tenus dans le cadre de la semaine du foncier organisé du 14 au 18 novembre ont relevé que la femme n’a pas droit à la terre, selon les coutumes en vigueur. Dans une société encore patriarcale, la femme occupe une place de seconde zone. Elle a certes le droit à l’usage des terres (pour les besoins agricoles en particulier), mais elle n’a pas le contrôle qui, d’après certaines pratiques coutumières, revient à l’homme qui a le droit d’en faire ce qu’il veut. Par conséquent, elle ne peut pas engager un projet d’immatriculation.
Dans un guide pratique intitulé « Comment analyser les droits fonciers des femmes en zone rurale ? », publié en 2021 par le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED), dans le cadre du projet LandCam (visant à sécuriser les droits liés aux terres et aux ressources et à améliorer la gouvernance au Cameroun), co-financé par l’Union européenne, les auteurs ont révélé que les femmes rurales vivent en permanence une insécurité foncière. Non seulement leurs droits sur les terres et les ressources sont précaires, mais elles sont également dynamiques au fur et à mesure que les pressions se font ressentir sur les terres, soutient le rapport.
Un autre constat dressé par le CED dans une étude réalisée en zone septentrionale du Cameroun (régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord), a plutôt fait ressortir que la femme héritait de la terre. La raison se justifiait par le fait qu’il était possible de se marier dans la famille. « La terre n’est pas simplement un bien. C’est quelque chose d’extrêmement liée à la communauté, à la famille. Et la chose la plus importante pour une famille ou une communauté, c’est de garder l’intégrité de sa terre », explique le secrétaire général du CED, Dr. Samuel Nguiffo.
Plus de 52% des femmes rurales assurent 90% de la production alimentaire nationale
La discrimination observée au niveau de l’accès de la femme à la terre du point de vue coutumier contraste pourtant avec les dispositions du droit écrit, qui ne fait pas de distinction entre les hommes et les femmes en matière de droits sur les terres. Autrement dit, les dispositions textuelles garantissent un égal accès aux terres, sans exception. Toutefois, reconnaissent les chefs traditionnels, la réalité relègue la femme à une simple utilisatrice de la terre.
Or, reconnaître à la femme rurale l’accès à la terre permet d’assurer la sécurité alimentaire. Selon les sources officielles, les femmes rurales représentent plus de 52% de la population totale et assurent 90% de la production alimentaire nationale. S’il faut s’en tenir aux résultats de l’Enquête nationale sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle (ENSAM) réalisés en 2020 selon lesquels 2,7 millions de Camerounais étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë, la sécurisation des droits fonciers des femmes pourrait accroître les rendements agricoles.
La constitution des femmes en groupes organisés comme début de solution
Comme pistes de solution, le ministère camerounais de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff) a engagé des plaidoyers auprès des chefs traditionnels pour que des espaces de terres soient attribués aux femmes constitués en groupes organisés (coopératives, GIC…). L’enjeu est de faire comprendre que les terres mises à leur disposition visent le bien-être de la communauté. Par ailleurs, les leaders traditionnels doivent se constituer en défenseurs des droits des femmes à la terre, à travers une communication pour le changement des comportements.
Le projet LandCam qui a duré cinq ans (de février 2017 à décembre 2021) visait à mettre sur pied des approches innovantes pour faciliter un dialogue inclusif au niveau national, sur la base des enseignements tirés des expériences passées, afin d’améliorer la gouvernance foncière. LandCam a fait la promotion de l’apprentissage, tout au long de la réforme en cours, de la législation foncière du Cameroun et contribué à renforcer les capacités des acteurs aux niveaux local, régional et national. LandCam a travaillé avec les principales parties prenantes à travers le Cameroun pour améliorer les droits coutumiers et formels à la terre et aux ressources naturelles en pilotant les innovations en matière de gouvernance foncière au niveau local et en contribuant à des réformes viables de la politique pertinente.